

Le surlendemain - 7e anniversaire du retour de Mohammed V sur son Trône - Mehdi Ben Barka est victime d'un " accident ", véritable attentat contre sa personne. Il a quitté Rabat pour Casablanca, accompagné d'un futur député, Mehdi Alaoui, dans une Volkswagen, conduite par un chauffeur membre du parti. Le véhicule est suivi de près par une Peugeot 403 des services de police chargés de surveiller, depuis plusieurs jours, tous ses déplacements.
A bord ont pris place des agents du CAB 1, les fameuses " brigades spéciales " dirigées depuis quelques mois par Ahmed Dlimi. Brusquement, dans une longue courbe surplombant un ravin non loin de Bouznika, la 403 accélère, passe devant la Volkswagen et se rabat devant elle, commettant ainsi, de propos délibéré, ce qu'on appelle une " queue-de-poisson ". Pour éviter l'accrochage et la chute dans le ravin, le chauffeur de la Volkswagen donne un coup de volant brutal à gauche, renversant son véhicule de l'autre côté de la route, dans le fossé.
Le chauffeur et Mehdi Alaoui se sont évanouis sous le choc. Ben Barka, éjecté du véhicule, non. Appelant de l'aide, il est entendu par des ouvriers agricoles proches qui viennent aussitôt lui porter secours, ainsi qu'à ses compagnons. Les policiers sont descendus de la 403 et reviennent en arrière. Constatant la présence de témoins, ils prennent immédiatement le chemin inverse et disparaissent avec leur véhicule ! Une voiture de passage transporte les victimes à Rabat. Par le plus grand des hasards, elle est conduite par le procureur du Roi près la Cour Suprême ! Il est donc le premier informé de ce qui vient d'arriver.
Sur le coup, Ben Barka ne s'est pas plaint. Mais, dès son retour chez lui, une douleur à la nuque le terrasse. Transporté d'urgence dans une clinique de la ville, la fracture d'une vertèbre cervicale est diagnostiqué. Cet établissement est le plus réputé de Rabat, mais son directeur entretient des relations étroites avec le Palais… Le parti place donc des gardes devant la porte de la chambre de Ben Barka, qui se relayent jours et nuits. Inquiet des soins qui lui sont prodigués et des allées et venues de " particuliers douteux ", son frère décide de l'emmener en Allemagne.
Le 22 novembre, ils arrivent à Cologne. Après quinze jours de soins intensifs, Ben Barka est de retour, avec une " minerve ". A-t-il été victime d'un " simple accident ", comme le déclare officiellement le pouvoir ?37 J'ai tout lieu de penser que non. Un meurtre n'était peut-être pas envisagé… mais au minimum une tentative d'intimidation38. Encore que, bien d'autres citoyens marocains par la suite seront " victimes d'accidents de la route ", et même deux des instigateurs de l'Affaire, Ahmed Dlimi et El Mahi ! Quelques jours avant " l'accident ", selon le frère de Ben Barka, celui-ci a été personnellement contacté à la demande du Palais par un intermédiaire, qui lui a fait part du désir du roi de voir l'UNFP approuver la Constitution.
Il était ainsi proposé au leader de l'opposition, de discuter en privé du texte de la Constitution avant sa publication. " Mon frère avait alors fait la contre-proposition suivante : " Négocions plutôt sur tous les problèmes politiques du moment. Passons un accord précis entre le Roi et les forces populaires fixant à l'avance les futures institutions du pays, tout en établissant un programme de gouvernement pour les deux années à venir.
Les textes ayant été préparés d'un commun accord, le Roi n'aurait plus rien à craindre d'une Assemblée constituante ". " L'accident " est-il la réponse du roi ? Quoi qu'il en soit, Hassan II annonce le texte de la Constitution soumise au référendum le 18 novembre…



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